Histoire des relations irano-étatsuniennes (3/3) : 1979 – 2015
Avec le renversement du Shah, les Etats-Unis ont perdu un allié central dans la région du Moyen-Orient. Le soutien apporté au règne du Shah sert alors les intérêts de l’Ayatollah Khomeiny pour construire en 1979 un régime théocratique en opposition à l’hégémonie impérialiste américaine.
Se construire en opposition à l’hégémonie américaine
Ce tournant dans les relations avec les Etats-Unis s’ancre dans la durée lorsque survient le premier élément objectif de cette rupture : la crise des otages de Téhéran. Faisant suite à l’exil du Shah sur le sol américain en octobre 1979, des étudiants prennent alors en otages 56 personnes de l’ambassade américaine. La crise dura 444 jours et sera un pied-de-nez pour un « Grand Satan » soumis aux conditions iraniennes. Au-delà des relations diplomatiques rompues, les Etats-Unis engagent alors une politique de boycott de l’Iran en cessant leurs importations de pétrole. Face à une puissance américaine qui se démontre avec la Première Guerre du Golfe, le régime iranien cherche alors à se prémunir d’une intervention étrangère. C’est pourquoi le programme nucléaire, pourtant stoppé avec la chute du Shah, connaît une reprise dans les années 1990. En guise de réplique, Bill Clinton fait alors adopter en 1996 la fameuse Loi d’Amato-Kennedy pour sanctionner l’Iran et son aventure dans le nucléaire.
La poursuite du programme nucléaire initié par le Shah
Par la suite, les interventions au Kosovo (1999), en Afghanistan (2001) puis en Irak (2003) ne font que crisper les positions iraniennes. Ces interventions traduisent la puissance de l’armée américaine mais aussi son unilatéralisme au mépris du droit international. Les 2 pays confortent alors la période noire de leurs relations. En 2000, l’arrivée à la Maison Blanche de George W. Bush marque le triomphe des néo-conservateurs et l’inscription de l’Iran dans la désastreuse expression d’« Axe du Mal ». Au refus de négocier de la part de Washington, vient faire écho l’élection en 2005 du radical Mahmoud Ahmadinejad. Ces deux présidences, s’étalant sur 2 mandats consécutifs, vont creuser davantage le fossé qui les sépare. Les sanctions de la communauté internationale vont se succéder et durement toucher l’économie iranienne à partir de 2012. Sous la présidence d’Ahmadinejad, la question du nucléaire est devenue un élément identitaire du régime, pour sa propre crédibilité. L’enjeu n’est plus sur le programme nucléaire en soi, mais sur la posture qu’il offre aux dirigeants iraniens. Pour le régime et pour sa propagande, les négociations sur le nucléaire permettent à l’Iran de s’afficher d’égal à égal avec les Etats-Unis en le réduisant au statut d’interlocuteur, et non plus de « gendarme du monde »
Barack Obama & Hassan Rohani : embellie éphémère ou tournant historique ?
Arrivé au pouvoir en 2008, Barack Obama a choisi la voie du réalisme. Même si la posture de façade reste similaire, la diplomatie de Washington a envoyé quelques signaux d’ouverture à Téhéran. Il s’agit là d’une politique de petits pas, allant de la réouverture des ambassades américaines aux diplomates iraniens pour les fêtes du 4 juillet, jusqu’à la reconnaissance en 2009 de l’implication de la CIA dans le coup d’Etat de 1953. Ce relatif « dégel » opéré sous Obama coïncide depuis 2013 avec la présidence iranienne d’Hassan Rohani. Ce président modéré a permis une reprise du dialogue, où la lutte contre l’Etat Islamique offre un terrain d’entente relative.
Aujourd’hui, ces 2 présidents réalistes sont en mesure de mettre un terme aux tensions entre leurs 2 pays. Si les négociations sur le dossier nucléaire restent encore âpres, il faut noter l’intense activité des diplomates qui déploient des efforts considérables pour trouver un accord acceptable. La pression est grande car la fenêtre d’opportunité est mince. Les contraintes de politique interne peuvent tout saboter: l’élection présidentielle américaine approche à grands pas et pourrait signifier le retour au pouvoir de la vision néo-conservatrice. Côté iranien, Hassan Rohani n’a pas que des alliés parmi les parlementaires, sa présidence est sous la pression des conservateurs au point qu’on pourrait parler d’ « essai » d’ouverture pour le régime. L’enjeu est donc de « transformer » cet essai afin d’éviter que l’Histoire ne garde pas l’image d’une « expérience Rohani », mais d’un tournant historique après 36 ans de tensions.